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dimanche 12 juillet 2009

Cyberamour - 2

Voilà l’union ou le mariage de deux corps dans un seul âme, comme fut à l’époque de Platon l’androgyne. Lorsque je touche le clavier de l’ordinateur et je sais que mon cyberlocuteur ou cybercorrespondant le fait presque simultanément que moi, je sens le toucher à travers le temps, l’espace, l’histoire, la culture et la géographie, toutes à la fois, et cela me le rend plus proche. Et nous, moi et lui, chargés comme nous le sommes de tous les détérminations séparantes du Réel, nous ne renonçons à rien de notre identité pour être avec l’autre, ainsi comme il arrive d’habitude. Notre rencontre virtuelle est pure, comme ce matin exquis et doux, dont je vous parlais tout à l’heure et nous pouvons entendre, tous les deux, le chuchotement appaisant des grains de sables, n’étant plus appeurés de l’invasion fécondante des vagues.
Le rideau tombe sur ma rêverie d’un bruit lourd et explosif et ma madeleine une fois avalée et digérée dans l’estomac, me fait retourner aux complications de ce sentiment, presque une âme du monde (anima mundi), tellement pur, tellement noble, tellement ancien et aussi indispensable à une vie accomplie, soit que nous sommes hommes ou bien femmes…Mon regard tourne maintenant vers cette actualité qui bloque, comme un mur se haussant jusqu’au ciel, les perspectives d’un idéal et d’un tel amour ou un cyberamour auquel j’ai essayé à vous faire spectateurs.

Je vois défiler devant mes yeux le Passé chargé de mystérieux héritages culturels et identitaires, le Présent étouffé par la crise économique, l’indicateur Nasdaque, le péril toutpuissant (et agissant sur nous en force – car voilà les cas des brûlures de la peau pour dix minutes de bain de soleil involontaire, ou les cas des maladies des voies respiratoires autant chez les plus faibles – les enfants que chez nous, les adultes, aussi) de l’effet de serre, les Humains poussés aveuglement par la faim, la violence des désirs et l’avidité rapace des gains financiers, de l’argent, et oubliant la beauté, entassant dans un petit coin misère les besoins de leur âme se prommettant d’y revenir quand ils auront plus de temps. A tout ceci s’ajoute la minable carte de toutes les guerres, passées et présentes, qui ont balafré la joue de l’humanité du sceau de la honte, de l’intolerance et de la sottise et qui représentent encore le vrai péril pour la disparition de notre espèce. Malgré tout ce défilé attristant qui défèrle sur nous comme les vagues marines de ce paysage matinal, nous, les humains et moi y compris, osons rêver et espérer que tout sera oublié et plongé dans ce bain d’amour universel, amour qui, voici, se faufille dans le cybermonde, notre monde virtuel et encore libre où la liberté d’action nous laisse encore rêver. Renoncer à notre innocence ou la garder à tout prix?
Peut-être as-tu raison de m’examiner avec tant de méfiance. Je te regarde dans les yeux et je vois la moue incrédule dont tu me mesure depuis le sommet du crâne jusqu’aux pieds. Même si nous, les humains, ne nous sommes pas efforcés assez pour nous sortir des états de guerre et de destruction et que nous vivons toujours au coeur du danger, le danger de disparaître l’ instant de l’explosion atomique de cette maldite bombe dont les irakiens nous menacent au jour le jour. Tes miliers de questions, lancés comme de petites balles (sapristi, un autre trope ‚guerrier’!) me plaisent, mais n’attends pas de moi autant de réponses! Si tu veux vivre, tu n’auras pas de temps pour égarer sur les sentiers philosophiques des questions-réponses et moi, non-plus. D’ailleurs, c’est la seule chose qui nous manque et qu’on ne peut ni maîtriser, ni contrôler.
Regarde-le! Le temps, décomposé en heures, minutes et secondes qui s’entrelacent impitoyablement et se serrent autour du cou du vivant comme une corde autour du condamné, il est si parfait, sans aucune tache, ressemblant à un diamant à milles facettes luisantes et froides. Ce cristal de diamant émane seulement la froideur des dieux et leur manque de pitié! En outre, on le sait, la chaleur n’est pas imanente à la perfection, tandis que la brillance prouve son existence. La chaleur est humaine, la brillance est…divine.
Eh, bien, tout ce parcours poétique et philosophique me sert, comme un tremplin, à te dire deux mots sur nous deux, si tu me laisse reprendre mon haleine.
Je suis… Européenne et, toi, mon cyberinterlocuteur, tu es ou tu te sens Juif et…, tout d’un coup, rien qu’en prononçant ces deux mots de notre identité, six millions de questions et de motifs envahissent bruiamment cet espace privé d’entre nous et y bâtissent une clôture géante. Je suis Européenne et toi, tu es Juif. Non, ne disons plus ces mots cruels. Il vaut mieux de dire: moi, je suis femme et toi, tu es un homme…comme Adam et Eve au paradis ou comme Mahomet et Aïcha dans le jardin du prophète.
L’ histoire (comme temps vecu et passé) et l’avenir (comme temps innocent et improbable de l’espérance) nous séparent, mettent des entraves à notre rencontre. Il ne nous reste que le battement d’aile du présent et nous voilà entassés, toi et moi, dans le ̋̋cage˝ d’un instant, nous regardant à travers le grillage de ces six millions de motifs démesurés et vindicatifs.
Tu me dis que je suis belle, en me regardant dans les yeux, et je sens brûler ton regard noir sur ma poitrine, mais ce doux frôlement aboutit à sécher les larmes de mon âme souffrant. Même dans ce regard que tu me jettes, plein de passion et de désir, je sens que l’histoire s’y mêle avec tout son héritage violent et agressif. Je vois s’ouvrant devant toi un chemin sans bout, peut-être ce chemin du destin qui t’attend....
Je revins sur la plage où tout a commencé avec le déferlement des vagues marins et je m’interroge doucement:
„Quo vadis, homine?”

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